Les élèves du Collège André Abbal trouveront sur ce blog les reproductions des oeuvres étudiées en classe dans le cadre de l'Histoire des Arts. Ils retrouveront également ici les thématiques grâce auxquelles les oeuvres ont été étudiées ainsi que quelques éléments d'analyse d'oeuvre.
Musée Juif de Berlin, vue d'ensemble
Le musée juif de Berlin est l'oeuvre de l'architecte américain Daniel LIBESKIND, ce musée construit entre 1993 et 1998 est un espace dédié à l'histoire des juifs allemands et il met en scène plus particulièrement la destinée tragique qu'a été celle du peuple juif au cours de la seconde guerre mondiale. Ce musée n'est pas qu'une "boîte" vouée à accueillir les témoignages de la présence juive en Allemagne. En effet Daniel LIBESKIND a conçu son architecture à l'image de l'histoire récente des juifs : une histoire faite de cassures, de ruptures, de violence ; autant de notions historiques que l'architecte s'est attaché à traduire concrètement et plastiquement en créant pour ce musée une architecture faite de cassures, de ruptures, de violence et de vides.
Il intitule son projet d'architecture "between the lines" (entre les lignes), la LIGNE est l'élément principal grâce auquel il conçoit son projet, cette ligne est celle de l'histoire du peuple juif dont on pourrait situer l'origine dans les écrits de l'Ancien Testament et qui file au travers les siècles de l'Histoire pour se briser et se distordre de façon extrêmement violente au moment de la deuxième guerre mondiale. De cette période le peuple juif garde une empreinte définitive, à la ligne de l’Histoire succèdent alors d’autres lignes : entailles, fêlures, cicatrices dont la guerre a marqué le corps du peuple juif et auxquelles Daniel LIBESKIND donne une traduction architecturale dans son projet de musée.
DESCRIPTION
Forme générale : Le bâtiment du musée est une ligne brisée aux arrêtes vives, les berlinois le surnomment le « blitz » : l’éclair
Entrée : le bâtiment du musée ne possède pas d’entrée, celle-ci se trouve dans le bâtiment baroque voisin et n’a rien de commun avec le modèle attendu de l’entrée du musée, espace souvent majestueux, vaste et lumineux ; au contraire c’est ici une petite entrée étroite et sombre par laquelle le spectateur descend 12 mètres sous terre et débute de cette façon très particulière la visite du musée, visite aux allures d’épreuve pour le corps comme pour l’esprit.
Les 3 axes : l’architecture du musée est conçue selon 3 axes (ou 3 lignes) principaux situés au sous-sol du bâtiment : axe de la continuité, axe de la mort, axe de l’exil.
L’axe de la Mort est un couloir étroit aux murs et au sol penchés qui débouche sur une porte, un gardien ouvre la porte et fait pénétrer le spectateur dans un autre espace : la Tour de l’Holocauste, tour de béton brut seulement éclairée par une maigre entaille à son sommet, espace sombre et froid symbolisant la mort du peuple juif.
L’axe de l’Exil débouche sur le Jardin de l’Exil, situé à l’extérieur du musée. 49 piliers au sommet desquels sont plantés 49 oliviers, figures du déracinement, de l’arrachement à sa terre natale que connaît chaque exilé. Le sol du jardin est penché de telle manière que le visiteur est désorienté et déstabilisé à chaque pas, il est en perte de repères comme l’est toute personne exilée contrainte de vivre dans un univers qui n’est pas le sien. Le Jardin de l’Exil est un espace à ciel ouvert mais il est clôturé par des murs très hauts et il est donc impossible d'en sortir. Cette sortie à l’air libre n’est alors qu’un semblant d’accès à la liberté, le spectateur ne peut que pénétrer de nouveau dans le musée après avoir visité le jardin, ainsi Daniel LIBESKIND signifie que l’exil puisqu’il n’est pas choisi mais forcé est une sorte de prison.
Le Jardin de l'Exil
L'axe de la continuité conduit à un escalier étroit et très long dont l'ascension est éprouvante pour le spectateur qui accède au terme de cette ascension aux salles du musée qui se trouvent donc à l'étage. Cet axe, cette ligne représente la continuité de la présence des juifs en Allemagne.
Parallèlement à l'axe de la continuité Daniel LIBESKIND a voulu consacrer des espaces à l'absence du peuple juif en Allemagne, absence consécutive à l'Holocauste et à l'Exil qu'il représente grâce à six tours de béton qui prennent place tout au long du bâtiment et qu'il appelle "les Vides". Ces tours, pour cinq d'entre elles, ne contiennent rien que du vide et il est impossible pour le spectateur d'y pénétrer. Le sixième de ces vides appelé "Le Vide de la Mémoire" est ouvert et pénétrable, l'artiste Menasche Kadischman a disposé au sol de celui-ci une installation : des milliers de cercles d'acier jonchent le sol, ces cercle percés de trous représentent des visages humains, bouche ouverte sur un inaudible cri de souffrance.
Installation de Menasche Kadischman dans "Le Vide de la Mémoire"
Le spectateur est invité à marcher sur ce tapis de visages, sous les pas les pavés s'entrechoquent en émettant des sons métalliques, qui s'enflent au fur et à mesure que le marcheur s'enhardit, restituant aux visages piétinés leur cri insupportable. Le hurlement rauque du métal résonnant au fond de ce puits ne peut qu'évoquer d'autres cris, d'autres images trop connues, celles des cohortes d'hommes yeux vides, bouches sans voix, poussées vers les chambres à gaz. *
CONCLUSION
Beaucoup plus qu'une visite de musée, le passage par le Musée Juif est quelque chose comme une épreuve. L'interpellation physique voulue par l'architecte, suscite inévitablement émotion et réflexion. Tout ici est voulu, pensé, mesuré, en fonction du but souhaité. Le gris, le métal brut, le béton, les lignes brisées, la lumière froide, les angles aigus, ne sont pas agréables à l'œil, ils ne flattent pas la corde sensible du spectateur, ils ne sont pas complaisants. Le bâtiment n'est pas beau au sens classique du terme, il est agressif, déroutant. On a là une démarche qui ne cherche pas à séduire, à faire plaisir, mais bien plutôt à agresser, bousculer, surprendre, pour mieux forcer le spectateur à se projeter dans un autre univers. Le Musée Juif apparaît ainsi comme un voyage initiatique au sein de l'histoire du peuple juif dont on ne sort pas indemne.
(...) Les décisions architecturales (de Daniel LIBESKIND), en provoquant le malaise, font vibrer l'esprit à l'unisson du corps, induisant ainsi chez le visiteur déstabilisé la confrontation brutale avec l'absence, le vide, la mort. L'architecture devient alors art à part entière. *
NB : Les passages en italique et marqués d'une
* sont empruntés à Jacqueline MORNE